A Potosi, mine de rien c’est l’enfer
Qui n’a jamais entendu parler de Potosi, ville nichée à plus de 4000 mètres d’altitude, et de ses mines ? Depuis 1545, 300 000 tonnes d’argent ont été extraites du Cerro Rico, la montagne qui domine Potosi. Au XVIe siècle, le Cerro Rico fit la richesse de la couronne espagnole et par ricochet du reste de l’Europe.
Aujourd’hui l’argent se fait rare, remplacé par l’étain, le zinc et le plomb. Les mines d’Etat sont devenues des coopératives – on en dénombre une centaine contre plusieurs milliers il y a encore quelques années. Mais même au ralenti, la mine continue de dévorer des vies humaines.
Pedro a commencé à travailler à la mine à l’âge de 12 ans. Aujourd’hui, à 29 ans, il a monté une agence de tourisme avec 5 autres “mineros”, dont deux qui continuent quotidiennement à fouiller les entrailles du Cerro Rico pour trouver le filon qui les rendra riches.
“A la mine, les conditions sont trop précaires. Ce travail a bousillé mon dos, je ne pouvais pas rester, explique Pedro. Cela a été dur pour ma famille de comprendre ma décision: mon grand-père, mon père, mes 3 frères… Toute la famille vit depuis toujours de la mine.”
Pedro sera mon guide pour visiter la mine Rosario. Mais d’abord, nous passons au marché des mineurs pour leur acheter quelques présents: des feuilles de coca, des sodas et… de la dynamite. “Les mineurs qui travaillent dans des coopératives doivent acheter leur propre matériel et cela revient cher”, m’explique Pedro en anglais. L’homme refuse de parler en espagnol: il se revendique quechua et non bolivien et tient à sa langue indienne. Et de poursuivre : “De plus, dans une coopérative, pas de salaire fixe : ce qu’on gagne dépend de la quantité de minerai que l’on trouve. En général, on peut se faire entre 150 et 250 euros par mois. Mais j’ai un ami à qui il est arrivé de ne gagner que…. 20 bolivianos [20 centimes d’euros ndlr]. ”
Quelques kilomètres dans une camionnette chinoise déglinguée et nous voilà à l’entrée de la mine. Véritable plongée dans un univers à la Germinal. Courbés en deux, les pieds dans l’eau, nous suivons les rails. Nous croisons un premier wagonnet de minerai. Un homme à l’avant tire, deux à l’arrière poussent. L’effort est épuisant. A l’intérieur du wagonnet, plusieurs centaines de kilos de minerai attendent d’être remontées à l’air libre.
Nous avançons plus profondément dans la mine. Dans certaines galeries, nous avançons à quatre pattes. La chaleur se fait étouffante. Nous arrivons dans une cavité plus grande où nous pouvons enfin nous tenir debout. Au milieu trône “El Tio”. Tous les mineurs sans exception, chaque fois qu’ils entrent dans la mine et chaque fois qu’ils en ressortent, offrent feuilles de coca, cigarettes et alcool de vie (à 96 degrés !) à “El Tio”, un dieu qui ressemble plus au diable. “El Tio est le patron de la mine, m’explique Ephraïm, un mineur qui est justement en train d’offrir quelques gorgées d’alcool à la statue faite dieu. Et je veux être en bons termes avec lui pour éviter les accidents et trouver la bonne veine dans la mine.”
Nous reprenons notre route. Apres avoir cheminé sur près d’1,5 kilomètre dans les entrailles du Cerro Rico, nous croisons un groupe de mineurs au travail. Tous crachent et toussent gras : la maladie de la silicose fait son travail. L’espérance de vie des mineurs est de 45 ans. Certains ont commencé à travailler à l’âge de 8 ans, six jours sur sept, une dizaine d’heures par jour sans une seule pause.
Arbolito est de ceux qui ont commencé très jeune. A 10 ans, son père l’emmenait déjà travailler à la mine avec lui. “Aujourd’hui, j’ai 29 ans, raconte-t-il dans un souffle presque inaudible. Je porte 40 kilos sur mon dos sur une distance de 2 kilomètres et ce 40 à 60 fois par jour. Vous trouvez ça humain ? ”
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