Le Nicaragua n'a pas toujours la classe
Huit heures trente du matin. La chaleur est déjà écrasante. A San Ignacio, dans la banlieue de Granada, Valeria, Miguel et une petite centaine d’enfants âgés de 5 à 12 ans s’apprêtent à quitter leur maison de tôle pour se rendre à l’école et suivre les cours d’été proposés par l’association La Esperanza Granada. Au Nicaragua, c’est en effet les grandes vacances. La rentrée se déroulera le 15 février. Une rentrée qui n’aura toutefois pas lieu pour tout le monde : selon les chiffres officiels, près de 20 % des enfants n’ont pas accès à l’école primaire et plus de 55 % n’accèdent pas au secondaire. La Banque mondiale affirme pour sa part que sur 100 enfants qui entrent à l’école primaire, seulement sept parviennent à l’école secondaire et un seul accède à l’éducation supérieure. Dans les quartiers les plus pauvres, les enfants fréquentent l'école en moyenne durant 2,3 à 3,1 années.
"Le Nicaragua ou le drame de la pauvreté ordinaire", explique Pauline, une Australienne qui vit au Nicaragua depuis plus de 5 ans et qui dirige d’une main de fer l’association La Esperanza Granada. "Les enfants ont besoin qu’on leur donne une chance de réussir et c’est ce que nous essayons de faire avec l’association. Il faut leur apprendre à aimer l’école et garder leur intérêt éveillé."
Ce matin-là, à San Ignacio, pas besoin d’éveiller l’intérêt des enfants. Lors du premier cours, les enfants sont scotchés aux ordinateurs, dont l’achat a totalement été financé par La Esperanza Granada. Trois volontaires européennes et deux jeunes Nicaraguayens, qui eux touchent une petite rétribution de l’association pour payer leurs études, aident les enfants à se dépatouiller avec l’informatique. "Dans une classe ordinaire, rappelle la présidente de La Esperanza Granada, les enfants n’ont souvent même pas de stylos ou de cahiers, alors un ordinateur !" Avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant inférieur à 1000 dollars, le Nicaragua se classe parmi les pays les plus pauvres du continent et près de 45% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
"Comme partout dans le tiers monde, il n’y a pas de classe moyenne au Nicaragua", explique Martine, une volontaire française qui travaille avec La Esperanza Granada depuis deux mois. "J’ai passé 13 ans de ma vie en Afrique et dix autres entre le Brésil et la Guyane française. Le problème est le même partout, poursuit-elle. Au Nicaragua, les professeurs n’ont pas toujours la formation requise. Ils gagnent 60 dollars par mois, comment voulez-vous qu’ils soient motivés ?"
A San Ignacio, le deuxième cours de la journée se révélera une vraie catastrophe. Fini l’heure consacrée aux jeux sur les ordinateurs. Il est temps de passer à la classe d’anglais. Mais là, c’est une autre histoire. A l’intercours, les volontaires ont distribué une orange et un petit biscuit à chaque enfant. Désormais, les bambins n’ont plus qu’une idée en tête : se balancer les peaux d’orange à la figure. Ida, une jeune Danoise tout juste bachelière, tente bien de faire répéter à la classe des "one, two, three", rien n’y fera. Elle abandonnera très vite pour emmener les enfants jouer dehors.
"Et pourtant, c’est un jour calme, explique Martine. Mais comment voulez-vous les motiver ? Un jour sur deux, ils ne viennent pas à l’école pour aider leur mère à la maison ou pour faire des petits boulots et rapporter un peu d'argent à la famille." Conséquence : 23% des Nicaraguayens sont analphabètes. "Une situation terrible qui n’est pas prête de s’arrêter tant que l’Etat ne consacrera que 50 dollars par an et par enfant", explique Pauline.
A San Ignacio, il est midi. Les élèves rentrent chez eux. Qui pour aider sa famille, qui pour jouer avec un simple carton dans la rue. Valeria, petite fille de 8 ans aux dents toutes cariées, me confie avant de partir : "Moi, je veux être professeur de mathématiques. Cet après-midi, je vais aller compter les poules de mon voisin." La Esperanza.
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